mediation

Pour certaines personnes qui viennent en médiation pour la première fois, que ce soit en tant que client ou en tant que personne souhaitant acquérir des compétences en médiation, j’observe parfois un sentiment de surprise lorsqu’elles découvrent que les médiateurs ne donnent pas de conseils, ne font pas de suggestions ou n’émettent pas d’opinions.

Il y a de nombreuses raisons à cela et je vais en partager quelques-unes pour clarifier la philosophie la pratique de la médiation et en quoi c’est une approche différente pour soutenir les personnes dans leur situation difficile de tension et de conflit.

Deux raisons majeures pour lesquelles le médiateur ne donne pas de conseil :

  1. La première est contenue dans les trois éléments de la déontologie, que sont la neutralité  l’impartialité et l’indépendance.
  2. La seconde est que les conseils et les suggestions nuisent à l’autonomisation des parties en conflit – l’une des principales philosophie sous-jacente de la médiation.

La manière de donner des conseils est subtile et parfois involontaire. Elle peut émaner, notamment dans l’entretien individuel de la manière dont le médiateur pose les questions. Par exemple quand le médiateur dit « avez-vous essayé de parler à votre collègue de travail ? » ou « avez-vous pensé vous déplacer dans une autre partie de l’open-space ? ». Cette manière de questionner est suggestive, elle donne au participant une indication sur ce que le médiateur trouve intelligent de faire ou ce qu’il aurait lui-même dû faire.

La manière également de valider les propos de notre interlocuteur va lui donner notre opinion. Par exemple, si le médiateur dit « Serge, cette idée est intéressante, je pense que c’est une excellente suggestion » ou bien « il me semble là que vous êtes tous les deux dans une impasse », ou encore, « concentrons-nous plutôt sur tel ou tel objet de votre difficulté ». Ainsi il valide, induit ou oriente les participants à la médiation. Il les entraine – souvent en toute bonne foi – dans une direction qu’il juge appropriée pour eux. Alors que fondamentalement la finalité de la médiation est de permettre aux deux parties de trouver elles-mêmes une solution à leurs différends.

Ces maladresses génèrent plusieurs effets sur les participants à la médiation. La première est de faire penser que nous médiateurs sommes plus intelligents, « au-dessus de la mêlée », expert dans notre travail et les amener à attendre passivement nos idées pour trouver des façons de faire face à la situation. Cela impacte bien sûr les 3 dimensions de la déontologie du médiateur.

–> L’impartialité, car la partie qui vient d’être valorisée se sent encouragée par le médiateur et pour l’autre la sensation déplaisante que nous avons pris position pour la partie que nous venons de valoriser.

–> La neutralité, car nous ne sommes pas en position dans une médiation de penser quoique ce soit de la situation ni d’évaluer les solutions.

–> Sans parler de l’impact que cela a sur notre principe déontologique d’indépendance et notamment celui de ne pas chercher un résultat à obtenir un résultat quel qu’il soit.

En validant avec enthousiasme le chemin vers une solution, on procède à délivrer le message que c’est notre objectif, or cela n’est pas l’objectif du médiateur professionnel.

En médiation en ne faisant pas de suggestions, en ne donnant pas de conseils, nous laissons de l’espace aux parties pour explorer leurs propres pensées et leurs sentiments à propos d’une situation dans laquelle ils sont englués. Nous leur donnons un temps précieux de réflexion pour les aider à décider des prochaines étapes dans une sortie de crise dans laquelle ils choisissent d’aller. Ils ne sont pas déroutés, redirigés, guidés, ou pire « poussés » dans une direction particulière que le médiateur considèrerait « meilleur pour eux ».

La médiation reste une opportunité simple, efficace et très puissante pour les personnes impliquées si nous, en tant que médiateurs, nous travaillons sur une écoute et mise en lumière extrêmement ouverte des points de vue, valeurs, expériences, pensées et sentiments des participants avec qui nous travaillons.