Le processus de la médiation développée par l’Institut Français de la Médiation a pour fondement l’approche de la médiation narrative.

L’approche narrative s’appuie sur la narration des histoires et des récits pour aider les personnes à exprimer leurs expériences et leurs émotions de manière compréhensive. Elle a été développée par Michael White et David Epston dans les années 1980. Elle est née de leur intérêt pour la notion de construction sociale, en examinant la fabrication du sens à travers le filtre du langage et l’interprétation subjective des « faits ».

L’approche narrative part du principe que les individus, égocentrés dans leur système de référence, donnent du sens à leur vie et à leurs expériences en se racontant des histoires sur eux-mêmes et sur le monde qui les entoure. Nous grandissons au milieu d’une multitude de récits sociaux qui nous aident à façonner la façon dont nous nous voyons et nous voyons les autres.

Lorsqu’une situation conflictuelle émerge, il y a autant de versions d’histoire que de protagonistes.

Or « le fait de raconter ou de privilégier une certaine histoire – que celle-ci soit dite à haute voix ou intérieurement – augmente la valeur de réalité de cette histoire. Toute narration, même si elle procède à première vue d’une volonté de saisir une réalité en lui attribuant des mots appropriés, a aussi comme effet de construire la réalité qu’elle nomme ». C’est cela que l’on nomme la construction sociale.

Les médiateurs qui utilisent une orientation narrative dans leurs techniques de médiation s’intéressent aux propriétés constitutives de l’histoire du conflit. En d’autres termes, qu’une histoire soit factuelle ou non importe peu. Ce qui compte est l’impact potentiel qu’elle a dans la vie de la personne en difficulté. Le médiateur porte son attention sur la façon dont l’histoire fonctionne pour créer la réalité de la partie en conflit plutôt que de savoir si elle rend compte avec exactitude de cette réalité. Nous ne cherchons pas la vérité, ni les faits, ni une réalité objective « extérieure ». La médiation narrative explore et utilise les récits des personnes impliquées dans un conflit ou une situation difficile pour identifier le vrai problème qui les oppose, les émotions en jeux, les besoins insatisfaits et les ressources qui peuvent aider à trouver des solutions.

Explorer l’histoire du problème.

Il est donc plus utile de se concentrer sur l’élaboration des récits individuels et de creuser ces récits avec chaque personne en encourageant la réflexion et l’analyse. Une écoute attentive et respectueuse est un élément clé de ce processus. Le respect se manifeste par le fait de prendre au sérieux l’histoire de la personne sans y mêler notre propre système de référence. L’hypothèse de départ de l’approche narrative est qu’il est probable que chacun fait de son mieux pour gérer le conflit avec les ressources dont il dispose.

L’autre n’est pas le problème.

Dans la diabolisation de l’autre – propre au conflit – les parties sont convaincues que le problème c’est l’autre. L’autre n’est pas que le « mauvais objet » il est également considéré comme l’unique coupable et responsable de la situation conflictuelle. Dans l’approche narrative l’autre n’est pas le problème; c’est la relation qui pose problème aux parties. Mais si c’est la relation qui pose problème, alors quel est ce problème ?

La médiation narrative externalise le problème. En racontant son l’histoire et en l’écoutant reformulé par le médiateur, la partie est placée dans un rôle d’observateur et regarde la situation sous un autre angle pour mieux comprendre la dynamique conflictuelle. L’analyse et la réflexion se concentrent sur le domaine relationnel pour aider les parties en conflit à dédiaboliser l’autre comme unique source du problème et commencer à développer des significations, des compréhensions et des regards croisés sur la difficulté commune.

Sortir du rôle de victime impuissante.

Il s’agit d’aider les parties à sortir de leur théorie de l’hyper responsabilité de l’autre qui leur sert à la fois à légitimer leur point de vue et à délégitimer celui de l’autre. C’est l’une des tâches majeures du médiateur que de permettre par la discussion avec chacune des parties de sortir des visions manichéennes rigides et négatives que les parties en conflit prêtent à l’autre, s’attachant à renforcer leur statut de victime attentiste. La victime affranchit de toute responsabilité dans la situation n’aurait alors aucun rôle à jouer dans la restauration du lien. Or, comme le dit l’adage, « pour être en conflit il faut être deux »…

Cartographier l’escalade du conflit.

Dans la médiation narrative, le médiateur utilise des outils et des stratégies spécifiques pour déconstruire l’histoire manichéenne du récit proposé par les parties. Lors de l’entretien individuel avec chaque partie, nous permettons de construire la ligne de vie du conflit selon la personne.

Lors de la rencontre, cette cartographie aide les parties à conduire un récit alternatif commun : la médiation narrative implique une co-construction de récits entre le médiateur et les individus impliqués, où les histoires sont explorées et développées ensemble.

Développer de nouvelles modalités collaboratives.

L’approche narrative en médiation est particulièrement adaptée à la gestion des conflits dans les organisations. L’objectif n’est pas simplement de parvenir à des accords, mais plutôt d’améliorer la communication et de développer une base de relations pour résoudre les problèmes en général dès la reprise de la collaboration. Pour cela, le contact direct entre les parties est important; il est maximisé pendant l’intervention afin de partager les récits individuels, de permettre par ce partage l’amélioration de la compréhension entre les parties en conflit et le dépassement des problèmes relationnels.

L’objectif de la rencontre est bien de comprendre les responsabilités partagées pour sortir de la répétition des situations et trouver de nouvelles modalités collaboratives permettant de reprendre le travail dans une forme de sécurité partagée.